État des lieux de la contamination des cultures par les aflatoxines en Europe face au changement climatique
Contamination des cultures par les aflatoxines avant récolte : état des lieux face au changement climatique en Europe
Introduction
L'accroissement des températures et les modifications des schémas climatiques affectent profondément la production agricole européenne. L'une des préoccupations majeures réside dans la contamination des cultures par les aflatoxines, des mycotoxines toxiques et cancérogènes produites principalement par Aspergillus flavus et Aspergillus parasiticus. Comprendre leur dynamique en contexte de changement climatique est crucial pour la sécurité alimentaire en Europe.
Les aflatoxines et leur danger sanitaire
Les aflatoxines sont parmi les mycotoxines naturelles les plus redoutées. Parmi elles, l’aflatoxine B1 se distingue comme la plus toxique, responsable d’effets aigus et chroniques, notamment d’hépatotoxicité, d’immunodépression et d’un risque accru de carcinome hépatocellulaire. En Europe, l’exposition aiguë est rare, mais la contamination chronique par ingestion répétée de faible dose représente un enjeu sanitaire majeur.
Aspergillus flavus et parasiticus : épidémiologie et facteurs de développement
L’infection des cultures se produit principalement au champ avant la récolte. Les spores d’Aspergillus colonisent les grains endommagés par la sécheresse, les insectes ou autres stress. Plusieurs facteurs environnementaux influencent cette contamination :
- Température et humidité : Des températures élevées (30-37°C) et une faible humidité relative favorisent la croissance et la production d’aflatoxine.
- Stress hydrique : Les déficits hydriques fréquents dans le sud et l’est de l’Europe affaiblissent les plantes, rendant les grains plus vulnérables à l’infection fongique.
- Dommages mécaniques : Les blessures causées par des ravageurs, des oiseaux ou des conditions climatiques extrêmes augmentent le risque de contamination.
Impacts du changement climatique sur la répartition des aflatoxines en Europe
Extension vers le nord
Historiquement, l’aflatoxine posait problème principalement dans le sud de l’Europe (Italie, Grèce, Espagne). Mais l’accroissement des températures estivales a permis son expansion vers le centre et, de façon inquiétante, dans les régions autrefois indemnes du nord et de l’est de l’Europe.
Augmentation de la fréquence des stress environnementaux
Les épisodes de sécheresse prolongée, les vagues de chaleur et les écarts climatiques brutaux, plus fréquents, endommagent les cultures, favorisant la colonisation par Aspergillus. En conséquence, des contaminations exceptionnelles apparaissent dans de nouvelles zones.
Principales cultures touchées
Certaines cultures s’avèrent particulièrement vulnérables :
- Maïs : Principal hôte, notamment dans les régions méditerranéennes et d’Europe de l’Est.
- Arachide : Importation ou culture marginale, mais hautement exposée.
- Noix, amandes, pistaches : Sensibles, surtout en conditions chaudes et sèches.
- Céréales secondaires : Sorgho, millet, de plus en plus concernés.
Risques agronomiques et économiques
Outre les risques sanitaires, la contamination par les aflatoxines cause des pertes économiques massives : destruction de lots, perte de marchés, coûts de contrôle et réglementation stricte sur les niveaux tolérables (règlement CE 1881/2006 pour l’UE).
Surveillance et réponses réglementaires
L’Union européenne applique des seuils très stricts pour limiter la présence d’aflatoxines dans les denrées alimentaires et aliments pour animaux. Des systèmes de surveillance sont renforcés, notamment dans les régions nouvellement à risque. Cependant, le contrôle reste coûteux, complexe et parfois insuffisant face à l’évolution rapide des conditions.
Stratégies de prévention et gestion agronomique
Réduire la contamination repose sur une approche intégrée :
- Sélection variétale : Opter pour des variétés plus résistantes à la sécheresse et aux agents pathogènes.
- Gestion de l’irrigation : Limiter les stress hydriques diminue le risque de colonisation.
- Contrôle biologique : Utilisation de souches non-toxigènes d’Aspergillus pour limiter la prolifération des souches productrices d’aflatoxines.
- Réduction des attaques d’insectes : Lutte contre les ravageurs qui multiplient les blessures d’entrée pour les champignons.
Recherche et perspectives futures
Des modèles prédictifs, combinant données climatiques et agronomiques, sont en cours de développement afin d’anticiper les épisodes de contamination. Les progrès dans la biotechnologie, la caractérisation génétique des hôtes et agents pathogènes, offrent de nouveaux leviers pour limiter ces risques. Néanmoins, une adaptation constante des stratégies à l’évolution climatique reste indispensable.
Conclusion
Le changement climatique accroît drastiquement le risque de contamination des cultures européennes par les aflatoxines, faisant de ce sujet un enjeu multidisciplinaire mêlant agronomie, toxicologie, climatologie et économie. Seules des mesures coordonnées et rigoureuses permettront d’assurer la sécurité alimentaire à long terme.



