Défis toxicologiques et sociaux des mousses anti-incendie : PFAS et alternatives

Défis Toxicologiques et Sociaux : PFAS et Mousse de Remplacement

Introduction

Les mousses anti-incendie à base de substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS) ont longtemps été utilisées en raison de leur efficacité à éteindre les feux d’hydrocarbures. Cependant, ces composés suscitent une inquiétude croissante en raison de leur toxicité et de leur persistance environnementale. Les défis liés aux PFAS ne se limitent pas à leur impact sur la santé, mais englobent également des enjeux sociaux, réglementaires et économiques, en particulier lors du remplacement des mousses classiques.

Les PFAS : Chimie, Propriétés et Usages

Les PFAS forment une vaste famille de composés synthétiques caractérisés par une liaison carbone-fluor très stable. Cette stabilité leur confère des qualités telles que la résistance chimique, la faible tension superficielle et la capacité d’agir comme agents moussants. Ces propriétés expliquent leur emploi depuis plusieurs décennies dans les mousses anti-incendie (AFFF – Aqueous Film Forming Foams), mais aussi dans des domaines variés comme les textiles ou l’industrie alimentaire.

Problèmes Toxicologiques

La stabilité des PFAS favorise leur persistance dans l’environnement et leur bioaccumulation dans la faune et l’être humain. De nombreux PFAS, notamment le PFOA et le PFOS, ont été associés à différents effets délétères sur la santé :

  • Perturbation endocrinienne
  • Diminution de la fertilité
  • Développement de cancers
  • Altération de l’immunité

Plus inquiétant encore, certaines études récentes montrent que les PFAS dits « de remplacement » (prétendument moins toxiques ou moins persistants) peuvent partager des propriétés similaires à leurs prédécesseurs.

Considérations Sociales et Réglementaires

L’exposition aux PFAS et leur présence dans les ressources hydriques ont généré d’importantes préoccupations sociales. On observe :

  • Une inquiétude croissante dans les communautés riveraines de sites d’entraînement des sapeurs-pompiers et d’aéroports
  • Une demande croissante pour la transparence sur les risques sanitaires et environnementaux
  • De nombreux procès intentés contre les fabricants de mousses à PFAS

D’un point de vue réglementaire, l’Union européenne, les États-Unis et d’autres juridictions mettent en place des mesures de restriction ou d’interdiction progressive de certains PFAS. Néanmoins, la complexité de la chimie de ces composés rend difficile une réglementation globale et le suivi des alternatives.

Mousse de Remplacement : Opportunités et Risques

Face à la pression sociale et réglementaire, l’industrie développe des mousses de remplacement, souvent dites « sans fluor » (fluor-free foam, FFF). Ces mousses, composées de tensioactifs alternatifs, se veulent plus sûres et écologiquement responsables.

Évaluation des alternatives

La transition pose plusieurs questions majeures :

  • Efficacité d’extinction : Les FFF doivent garantir des performances similaires aux anciennes mousses.
  • Profil de sécurité : Les substituts ne doivent pas introduire de nouveaux risques toxicologiques ou écologiques. Certains substituts présentent eux-mêmes des niveaux de toxicité préoccupants ou leur biodégradabilité n’est pas totalement établie.
  • Coût et faisabilité : Adapter ou remplacer l’équipement existant engage des investissements importants, impactant surtout les petites collectivités et organismes.
  • Acceptabilité sociale : Certaines communautés expriment une méfiance face à des solutions présentées comme durables sans validation indépendante des risques.

Risques Potentiels des Substituts

Si les alternatives promettent un moindre impact environnemental, leur innocuité fait encore débat. Les études comparant toxicocinétique et biodégradabilité des nouveaux agents sont rares et souvent menées par les fabricants, exacerbant la méfiance sociale.

Gestion des Risques et Perspectives

La gestion des risques liés aux PFAS exige une approche intégrée alliant prévention, prise en charge des sites contaminés et accompagnement social. Les axes à privilégier incluent :

  • Surveillance environnementale : Installer des dispositifs de suivi sur la migration des PFAS dans les milieux aquatiques et terrestres.
  • Transparence et participation : Associer les populations locales aux processus de décision et de communication de crise.
  • Recherche indépendante : Encourager les études non-commerciales sur la toxicité des nouveautés mises sur le marché.
  • Réduction à la source : Limiter l’utilisation des PFAS à des applications cruciales et favoriser l’écoconception des alternatives.
  • Transition graduelle : Accompagner les secteurs professionnels dans la substitution, tenant compte des besoins opérationnels et des réalités économiques.

Conclusion

L’abandon progressif des mousses à base de PFAS constitue un défi complexe, où la nécessité de préserver la santé publique et l’environnement se heurte à la difficulté de trouver des alternatives satisfaisantes tant sur le plan technique que toxicologique. Les réponses à apporter doivent être multidisciplinaires, intégrant l’exigence de sécurité incendie, l’évaluation indépendante des risques et l’impératif de justice sociale. Une coopération renforcée entre régulateurs, scientifiques, industriels et société civile apparaît indispensable pour assurer une transition responsable, transparente et durable vers des systèmes de lutte anti-incendie respectueux de la santé humaine et de l’environnement.

Source : https://www.mdpi.com/2305-6304/13/9/732