Réduction de l’acrylamide alimentaire : les stratégies microbiennes innovantes au service de la sécurité des aliments

Approche Microbienne pour la Réduction de l’Acrylamide dans les Aliments Transformés : Revue Critique

Introduction

L’acrylamide, composé potentiellement cancérogène, est un contaminant alimentaire généré lors de la transformation thermique des aliments riches en glucides. Sa présence dans les produits céréaliers, les frites, les chips ou le café soulève d’importantes préoccupations sanitaires à l’échelle mondiale. Face aux limites des stratégies traditionnelles d’atténuation, l’utilisation de souches microbiennes innovantes émerge comme une solution prometteuse. Cette revue explore les mécanismes microbiens, leur efficacité, et les défis associés à leur mise en œuvre pour maîtriser la formation d’acrylamide dans l’industrie agroalimentaire.

Génèse et Risques de l’Acrylamide

L’acrylamide se forme essentiellement lors de la réaction de Maillard, processus chimique impliquant la réaction entre les sucres réducteurs et l’asparagine sous conditions de température élevée. Ce composé est reconnu pour son potentiel génotoxique et cancérogène par les agences de sécurité alimentaire internationales, incitant à développer des stratégies de mitigation robustes et efficaces.

Stratégies Microbiennes pour la Réduction de l’Acrylamide

Mécanismes microbiens d’atténuation

Les micro-organismes présentent plusieurs mécanismes d’atténuation vis-à-vis de l’acrylamide, notamment :

  • Dégradation enzymatique : Certaines bactéries et champignons produisent des amidases, asparaginases et autres enzymes capables de dégrader l’asparagine, limitant ainsi la formation d’acrylamide.
  • Modification du métabolisme précurseur : L’action microbienne réduit la disponibilité des substrats nécessaires à la réaction de Maillard.
  • Biotransformation directe : Certaines souches transforment directement l’acrylamide en molécules non toxiques.

Souches microbiennes exemplaires

Les recherches identifient des genres bactériens et fongiques ayant montré une efficacité notable :

  • Lactobacillus, largement utilisé dans la fermentation des produits laitiers et céréaliers, réduit la teneur en asparagine par hydrolyse enzymatique.
  • Bacillus et Pseudomonas produisent des amidases dégradant spécifiquement l’acrylamide après sa formation.
  • Les levures telles que Saccharomyces cerevisiae contribuent à l’élimination des précurseurs de l’acrylamide lors de la panification.

Paramètres technologiques d’optimisation

Plusieurs facteurs conditionnent l’efficacité de l’approche microbienne :

  • Température, pH et composition du substrat modifient l’activité enzymatique.
  • Le temps de traitement influe sur la cinétique de dégradation des précurseurs.
  • L’association de méthodes pré- et post-fermentation peut améliorer la qualité sensorielle tout en abaissant les taux d’acrylamide.

Exemples d’Applications Industrielles

Industrie céréalière

La fermentation contrôlée, utilisant des cultures pures de Lactobacillus, permet de réduire jusqu’à 60 % l’acrylamide dans les pains et biscuits, sans altérer la texture ou la saveur. L’ajout d’asparaginase fongique en complément renforce cette efficacité.

Produits frits

Prétraiter les pommes de terre avec des micro-organismes sélectionnés ou leurs extraits enzymatiques réduit la formation d’acrylamide lors de la friture. L’application combinée de souches fermentaires et d’asparaginase est particulièrement prometteuse, limitant la contribution des substrats libres à la réaction de Maillard.

Café et boissons torréfiées

L’utilisation de cultures microbiennes pour prétraiter les grains avant torréfaction abaisse significativement les teneurs finales en acrylamide, tout en préservant l’arôme caractéristique.

Atouts et Limites de l’Approche Microbienne

Avantages

  • Réduction substantielle de l’acrylamide sans recourir à des additifs chimiques.
  • Préservation des attributs organoleptiques des produits finaux.
  • Méthode adaptable à divers procédés et matrices alimentaires.
  • Acceptabilité réglementaire et perception positive par le consommateur vis-à-vis du “clean label”.

Limites

  • Variabilité des souches microbiennes selon les matrices alimentaires et les conditions de transformation.
  • Éventuelle perte de fonctionnalité biotechnologique en fonction du process industriel.
  • Nécessité d’un contrôle rigoureux pour éviter la production de composés indésirables ou la dégradation des propriétés sensorielles.
  • Adaptation réglementaire obligatoire en fonction de chaque marché.

Innovations et Perspectives

La recherche sur l’ingénierie enzymatique génère de nouvelles souches recombinantes douées d’activités asparaginase accrues ; celles-ci présentent un fort potentiel pour des applications industrielles à grande échelle. Les procédés combinant extraction enzymatique, fermentation spécifique et contrôle du process thermique s’annoncent comme les plus efficaces et pérennes pour la mitigation globale de l’acrylamide.

Le développement de biocapteurs microbiens pour la surveillance en ligne de l’acrylamide ouvre aussi de nouvelles voies pour garantir la sécurité et la conformité des aliments transformés.

Recommandations pour l’Industrie Agroalimentaire

  • Sélectionner des souches microbiennes hautement spécialisées pour chaque application alimentaire.
  • Optimiser les conditions de fermentation (pH, température, temps) dans une logique de maîtrise intégrale du process.
  • Assurer le suivi analytique des contaminants et maintenir les standards de qualité organoleptique.
  • Promouvoir la recherche partenariale entre industriels et centres académiques pour accélérer l’innovation.

Conclusion

L’approche microbienne, en tant que solution alternative et durable, détient un énorme potentiel pour la maîtrise de l’acrylamide dans les aliments transformés. Bien que plusieurs défis technologiques et réglementaires persistent, les avancées récentes liées à la biotechnologie microbienne favorisent une adoption croissante de ces procédés, en cohérence avec les attentes des consommateurs et les impératifs de la sécurité sanitaire.

Source : https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0308814625034466?dgcid=rss_sd_all